En m’intéressant au cas du remake imaginaire de Final Fantasy VII dans mon éditorial L’obsession rétrograde, je savais que les réactions seraient beaucoup plus nombreuses qu’à l’habitude. J’étais même prêt aux insultes, aux menaces de mort, aux chatons pris en otage. Et en effet, vous avez été une cinquantaine à m’écrire.
Mais, à ma grande surprise, vous étiez presque tous d’accord avec moi. Pas une seule insulte, avant tout des remerciements. Moi qui croyais que la communauté Final Fantasy bavait de rage devant l’inexistence de ce fameux remake, je découvrais avec plaisir que le miroir déformant d’Internet s’était encore trompé : non, nous ne désirons pas tous que FFVII soit refait en HD et non, nous ne pensons pas tous que c’est le meilleur épisode de la série. Dans la plupart de vos messages, vous avez voulu ajouter certains éléments au débat, en soulignant plus longuement des points que je m’étais contenté de survoler dans mon éditorial. Fort de vos réactions, j’ai décidé de revenir sur trois sujets.
Le double risque d’un remake intégral
Dans mon texte d’origine, j’écrivais qu’une refonte HD « pourrait révéler des faiblesses méconnues du titre d’origine », sans aller plus loin dans ma logique. Vous l’avez fait mieux que moi. A force de réclamer ce remake, certains ont pu oublier que les nombreuses qualités de FFVII appartiennent sans doute avant tout à son époque. Le jeu a été développé au milieu des années 90 sur la toute nouvelle PlayStation, soit avec des capacités techniques propres à ce moment-là. D’une certaine manière, c’est un peu la nature deFinal Fantasy. C’est d’ailleurs ce qu’expliquait Hironobu Sakaguchi lui-même dans une interview : « Il est bon d’évoluer en phase avec la technologie et, pour chaque épisode, nous donnons tout ce que nous avons jusqu’à ce que nos aptitudes et notre énergie arrivent à leur limite ». Fort de ce constat, reconstituer FFVII avec les technologies actuelles représente un très grand risque, tout autant d’ailleurs que de le modifier pour l’adapter aux nouveaux standards. Dans un cas comme dans l’autre, il y a aura forcément des gens qui se sentiront lésés.
« Un remake HD amènerait trop les gens à vouloir quelque chose de parfait,
telle qu’est l’image de leur jeu, parfaite. » (Johann)
En réfléchissant à la façon dont FFVII pourrait être représenté en HD, je me suis rendu compte qu’il y avait dans l’approche visuelle du jeu d’origine un charme inimitable qui risquerait d’apparaître comme grotesque avec une direction artistique inspirée d’Advent Children. Là où le film était très sombre et sérieux, le jeu possédait une plus grande variété d’impressions et ne se limitait pas aux scènes les plus graves ou tragiques. Imaginez un peu le passage où Cloud doit se déguiser en fille, pour ne citer que lui. Pas sûr qu’un traitement en HD révèle aussi bien le côté comique de la situation. En réalité, ce serait ridicule. Dans tous les cas, les développeurs d’un tel remake devraient faire des choix et rien n’indique que ce seraient les bons. C’est bien la raison pour laquelle je préfère laisser FFVII à son époque, même si je dois bien avouer qu’un simple « lissage » de ses décors fixes ou de ses commandes permettrait aux jeunes joueurs de l’apprécier un peu mieux.
Notre premier FF est-il forcément notre préféré ?
Cette question a été abordée par plusieurs d’entre vous et elle me semble plutôt pertinente. DécouvrirFinal Fantasy a été un choc pour nous tous, j’ose imaginer, alors il est tout à fait normal de conserver un souvenir enthousiaste de cette première expérience. Et cela peut se produire avec n’importe quel épisode : parmi vous, certains ont commencé avec FFVIII, IX, X, XIII même, et vous n’hésitez pas à les citer comme vos préférés pour cette raison. Naturellement, c’est parce que nous avons été très nombreux à commencer avec FFVII qu’il est accompagné aujourd’hui encore d’une telle aura. J’ai constaté d’ailleurs de manière assez amusante que ceux qui ont commencé avec des épisodes ultérieurs et qui ont joué auVII après coup portent sur lui un regard plus distant. Certains avouent même ne pas comprendre l’engouement autour du jeu, ce qui m’amène forcément à penser que finalement, son succès est plutôt lié à l’impact qu’il a produit.
« Comme toutes les choses, la première fois est toujours inoubliable
et on ne cesse de comparer les autres à celle-ci. » (Ryukhaan)
Mais il y a aussi sans doute quelque chose de plus profond, qui tient à la période de notre vie où nous avons découvert Final Fantasy. Vous devez être un certain nombre à avoir entre 20 et 30 ans, comme moi, ce qui veut dire que nous étions des enfants ou des adolescents quand ce jeu merveilleux nous est tombé entre les mains. A cet âge, nous pouvions nous abandonner avec plaisir dans des aventures longues et captivantes, nous n’avions pas Internet pour tout nous raconter d’un jeu avant d’y jouer, nos goûts pas encore affûtés comme ils peuvent l’être une fois adultes. Nous étions beaucoup plus susceptibles d’être fortement impressionnés par ce vent de nouveauté apporté par un FF aussi puissant que le VII. Cinq, dix, quinze ans plus tard, nous voilà armés de notre regard critique et de notre douce nostalgie de cette jeunesse perdue. Il ne faudrait juste pas que cela aveugle notre curiosité.
Les conditions qui ne pourront plus être réunies
Enfin, quelques-uns d’entre vous ont tenu à souligner l’importance capitale du contexte dans lequel Final Fantasy VII est sorti, mais du côté de l’industrie cette fois. Lorsqu’on regarde l’intégralité de la série à ce jour, c’est bien sûr le septième épisode qui était le plus à même de créer un tel impact. Et ce, pas seulement pour l’infidélité inattendue à Nintendo au profit de Sony et de sa PlayStation. Il n’était pas nécessaire de jouer à FFVII pour comprendre son ambition : la présence de scènes cinématiques spectaculaires jamais vues dans des jeux vidéo jusque-là, des décors aux perspectives inédites dans un RPG japonais, un système de combat riche et varié, une impression de jeu immense par la simple présence de ses trois disques, quelques musiques devenues éternelles… La profondeur de l’histoire et des personnages, que l’on découvrait une fois la manette en main, n’a fait que renforcer cet effet. C’était un ensemble spectaculaire en tous points.
« Lors de l’âge d’or de la PS1, la sortie de FFVII fut une claque,
un réveil et une découverte pour les non-initiés. » (Yann)
Je n’aime pas raconter le succès FFVII en des termes aussi angéliques. Pourtant, force est de constater que les conditions qui ont fait de lui un jeu aussi marquant n’ont pas été réunies depuis et ne pourront sans doute pas être réunies à l’avenir. Ou alors si, mais les raisons de ce nouvel impact hypothétique m’échappent pour le moment. Pour certains d’entre vous, Final Fantasy Versus XIII entretient le statut de « futur FFVII » ; dans l’influence qu’il pourrait avoir, bien sûr. Mais c’est en se berçant de pareilles illusions qu’on finit par être déçu de ce qu’on obtient réellement (pas vrai, Squall ?). Alors même en ayant accepté la présence écrasante de FFVII au sein de la série, je refuse toujours de tout ramener à lui. Il se trouve justement que j’aime tous les derniers épisodes. C’est tout de même bizarre, non ?
Merci notamment à Clément, Cheikh, Forumwalker, Johann, Kevin, Simon, Lindzei, Totograoul, Mélanie, Ryukhaan, Nicolas, Eve, Rendal, aux deux Antoine et aux deux Romain, Eggs, Cédric, GG et Yann pour leurs contributions, qui ont inspiré ce deuxième article.