En novembre dernier, peu après l’extinction des serveurs de Final Fantasy XIV première version, j’avais écrit un éditorial nommé Un monde qui s’éteint, afin de parler de la disparition et la préservation des univers virtuels. C’est avec un retard honteux que je publie aujourd’hui quelques-unes des réactions que vous m’aviez envoyées à l’époque.
Je m’y attendais un peu, mais vous aviez été moins nombreux à réagir à cet éditorial qu’à celui sur l’idée de Final Fantasy, FFXIV passant visiblement au-dessus de la plupart d’entre vous. Le sujet de la disparition des mondes virtuels, cependant, me semblait particulièrement parlant, même en dehors des MMORPG. Au passage, si vous avez envie de discuter du sujet, je suis encore ouvert aux commentaires : n’hésitez pas à m’écrire ! (pour ça ou pour autre chose, d’ailleurs)
Commençons avec le commentaire assez émouvant, il faut dire, d’un joueur qui a passé du temps sur les deux MMORPG de la série, FFXI et XIV bien sûr. Un bon moyen de se souvenir que, même si les premiers mois de FFXIV ont été très difficiles pour les joueurs (comme pour Square Enix d’ailleurs), la première version du jeu a réussi à trouver une sorte de charme qui n’a pas laissé insensible ceux qui ont choisi d’y participer jusqu’au bout.
J’avais passé sept années sur le sublime et envoûtant Final Fantasy XI avec une bande d’aventuriers croisés à Ronfaure, La Theine ou Jeuno. Aventuriers depuis devenus amis et avec qui je continue de jouer jusqu’à aujourd’hui. Le choix d’aller tous ensemble vers Eorzéa était clair et c’est sans hésitation que nous l’avons fait, espérant secrètement vivre de nouvelles aventures en des lieux toujours plus magiques, créer de nouveaux souvenirs et nous attacher à cette nouvelle terre qui se présentait à nous. Soyons honnêtes, après avoir vécu, et j’opte volontairement pour le verbe « vivre » au lieu de « jouer », sur Vana’diel, la déception Eorzéenne fut grande et violente pour nous tous.
Nous étions là devant un Final Fantasy malade, le premier, un choc pour certains d’entre nous, la preuve d’une décadence certaine de la franchise pour d’autres. Mais nous nous sommes attachés à Eorzéa, je me suis attaché à Gridania, ma ville natale, et à sa forêt. Le monde, bien que trop vaste et peu diversifié, nous touchait d’une certaine manière, mais c’est surtout quand l’idée que notre monde allait être détruit que nous nous y sommes attachés de plus en plus. Des leaders charismatiques et autres antagonistes effrayants faisaient leur apparition ou prenaient en importance scénaristique. Alors forcément, nous nous attachions d’autant plus à notre Eorzéa, nous prenions conscience du danger qui planait au dessus de nos têtes, caractérisé par Dalamud qui s’approchait lentement au fur et à mesure des mises à jour.
Le voyage fut long et difficile et il faut avouer que nous subissions parfois Final Fantasy XIV 1.0 en son état plutôt que nous l’appréciions, mais nous voulions croire qu’il était possible, dans un avenir plus ou moins proche, de vivre à nouveau ce que nous avions vécu sur Final Fantasy XI et dont nous reparlons encore jusqu’à aujourd’hui tant la nostalgie et l’attachement à Vana’diel sont forts. Je crois que ce qui m’a le plus marqué était ce pèlerinage que nous devions faire peu avant la chute de Dalamud, lorsque nous devions aller prier aux stèles de chaque dieu en parcourant Eorzéa dans un dernier souffle d’espoir. J’ai vraiment pris conscience que je vivais mes derniers instants dans ce monde et que je m’étais battu au côté de mes amis aventuriers pour qu’Eorzéa soit sauvée, ou tout du moins puisse renaître par la suite.
Malgré tous ses mauvais côtés, FFXIV 1.0 me manquera. Je me revois encore à Mor Dhona avec les membres de ma linkshell vivre les dernières heures de ce monde avant la chute fatidique du météore. Je me souviens avoir versé une larme en regardant la cinématique finale après la fermeture des serveurs. Et je regarde encore chaque jour cette cinématique en me remémorant les moments passés et en revoyant, avec respect, ce geste héroïque de celui qu’on aimait appeler « papy » Louisoix. La nostalgie semble en tout cas fonctionner et l’univers de la 1.0 y est pour beaucoup, les défauts ne font pas tout et ne gâchent pas toujours tout.
– Guillaume
Ce deuxième message nous vient d’un joueur arrivé sur la version 1.0 après les premières grosses mises à jour. Un joueur séduit de base par l’univers du jeu mais visiblement avant tout rassuré par les différentes corrections mises en place par les développeurs. Un joueur qui porte le même message que moi : ne vous laissez pas abuser par l’échec du premier FFXIV et n’hésitez pas à vous intéresser à A Realm Reborn, car c’est un jeu particulièrement prometteur.
Je ne suis pas un joueur du lancement du jeu, je suis arrivé après les premiers patchs correctifs, avant la fin de Legacy. J’avais déjà joué quelques mois à FFXI mais je me disais que le online, ce n’était pas pour moi, et j’ai vite abandonné. Je ne voulais pas me lancer dans FFXIV, je me demandais pourquoi un FF portant un numéro était encore un jeu en ligne. Et puis j’ai vu les jobs : thaumaturge, conjurer, pugiliste… où sont mes mages blancs/noirs ? Paladin ? Voleur ? Bien évidemment, les premières critiques furent unanimes : le jeu était bâclé. J’avais donc décidé de ne pas me lancer.
C’est beaucoup plus tard que je suis tombé sur les vidéos « Let’s Play Final Fantasy XIV » de Machinima sur YouTube. Et je suis tombé amoureux du jeu. J’ai d’abord été frappé par les graphismes magnifiques, la customisation des personnages, la vidéo d’introduction… J’ai ensuite commencé à me renseigner sur Internet. Des patchs de correction étaient là, les jobs étaient de retour… Le jeu n’était également pas cher et offrait un mois gratuit, je me suis donc lancé dans le monde d’Eorzéa.
Et quelle aventure ! Il y avait encore beaucoup de choses à changer, mais tout le monde savait que la version 2.0 était à l’horizon, alors nous pouvions tout pardonner. Si les gens aiment tant les MMORPG, je pense que c’est le plus souvent pour les personnes avec qui nous passons des moments formidables. Jouer avec d’autres fans de FF fut un bonheur inimaginable, un véritable moyen de s’échapper quelques heures par jour. Comme beaucoup je pense, je ne sais pas trop comment compenser FFXIV. Je suis un peu en manque d’Eorzéa, je pense… En tout cas, j’espère que de nombreux joueurs donneront une chance à A Realm Reborn, car ce jeu va vraiment valoir la peine de l’essayer.
– Franck
Et ce dernier commentaire nous vient de quelqu’un qui n’a tout simplement jamais joué à FFXIV, histoire d’avoir un peu de tout. C’est l’ami Simon, qui ne manque jamais de répondre à mes éditoriaux pour parler de ses propres dilemmes en tant que créateur : n’hésitez pas à découvrir ses différents travaux. Pour le coup, je dois dire que sa réponse ci-dessous s’envole vers des considérations assez… métaphysiques. Mais c’est intéressant. C’est intéressant.
Je ne suis pas amateur de MMO, alors je ne suis pas spécialement touché par FFXI etXIV… Mais je comprends parfaitement ce sentiment de monde qui disparaît, peut-être plus que d’autres… Je suis infographiste et j’ai un projet de film d’animation appelé Mon Village est magique, un long métrage basé sur des souvenirs d’enfance. J’ai travaillé dur dessus pendant 3 ans, j’ai créé des tas de choses en 3D, écrit des livres pour le scénario et réalisé un storyboard. Pourtant, pour des raisons économiques, le film ne verra jamais le jour. Le projet n’est pourtant pas mort, il y a des gens qui y croient et qui m’aident dessus, mais s’il voit le jour, il deviendra une série pour les plus jeunes, et tellement différente du projet original, que c’est comme comparer FFXIV 1.0 et 2.0.
Cela me mène à une conclusion personnelle sur les mondes virtuels : ils existent partout, et certaines œuvres qui nous paraissent inaltérables (FFI à XIII par exemple) finiront elles aussi par disparaître. Ce sera peut-être dans 100 ans, suite à une guerre où un dictateur fou aura jugé qu’il est bon de faire disparaître tous les livres et tous les jeux qui sont dangereux pour la pensée ? Peut-être dans un million d’années lorsque la Terre disparaîtra pour une raison encore inconnue et que nous fuirons notre berceau en vaisseau spatial sans pouvoir emporter toutes ces données ? Ou pire encore, lorsque nous aurons usé toutes les ressources de notre planète et ne pourrons plus fabriquer le moindre ordinateur, et que nos descendants n’auront plus accès à la technologie ? Bref, tous ces mondes virtuels ne sont pas faits pour durer éternellement. Alors estimons-nous heureux de pouvoir en profiter !
J’aimerais donc dire qu’ils doivent continuer à vivre uniquement dans l’imaginaire et les souvenirs des joueurs, tout comme les histoires que l’on se raconte de génération en génération. C’est à nous, joueurs, de les entretenir à notre façon, en racontant l’histoire de ces mondes. Conservons des traces (des vidéos, des textes, des images) et montrons aux autres d’où vient notre passion. Je crois en tout cas que, même si des œuvres formidables disparaissent, beaucoup d’autres naissent régulièrement et prennent le relais. C’est triste pour certains auteurs, bien sûr, mais le monde réel prime sur le reste. Nous nous réfugions dans le virtuel pour oublier les mauvais moments de la vie, pour nous évader ou pour le plaisir selon les cas, mais n’oublions pas que notre vraie planète souffre elle aussi. Si la disparition d’un monde virtuel nous attriste tant, ne devrions-nous pas nous tourner vers notre propre avenir ?
– Simon
Partir d’un éditorial sur les mondes virtuels pour en arriver à la conclusion qu’il faut sauver notre propre planète, c’est quelque chose. Oui, c’est quelque chose.