La naissance de Square
C’est en 1983 que débute l’histoire de Square. Hironobu Sakaguchi et Masafumi Miyamoto sont les deux hommes à l’origine de la création de cette filiale de la compagnie d’électricité japonaise Denyûsha, destinée à la conception de jeux vidéo. De 1983 à 1986, plusieurs jeux sur PC japonais sont développés par l’équipe sous les ordres de Sakaguchi et Miyamoto, le premier d’entre eux étant The Death Trap, publié en octobre 1984 sur PC88, PC98 et FM-7. Ces quelques titres restent toutefois sans grand succès. L’année 1985 marque le premier tournant dans l’histoire de la firme, puisqu’elle passe un accord avec Nintendo pour la réalisation de jeux sur les consoles Famicom (NES) et Famicom Disk System. Le premier titre Square sur console Nintendo est Thexder, un shoot publié fin 1985. Le deuxième tournant intervient en septembre 1986, date à laquelle Square devient Square Co., Ltd., une société indépendante de Denyûsha. Mais les jeux qui se succèdent au cours de 1986 et 1987 n’ont toujours pas de succès et la situation financière de la firme devient alarmante. Hironobu Sakaguchi se trouve malheureusement contraint de mettre la clé sous la porte, après avoir publié ses derniers jeux.
Le miracle Final Fantasy
Afin de terminer en beauté, Hironobu Sakaguchi a décidé de réaliser un jeu de rôle (RPG) ayant plus de consistance que ceux qu’il avait déjà conçu auparavant. Prenant exemple sur les deux premiers épisodes de Dragon Quest, produits par Enix et rencontrant un certain succès au Japon, il lance le projet Final Fantasy et réunit une équipe talentueuse notamment formée de Kenji Terada au scénario, Yoshitaka Amano à l’illustration et Nobuo Uematsu à la musique. L’effort fourni récolte enfin ses fruits et Final Fantasy, qui est publié en décembre 1987, se vend plutôt bien (500 000 exemplaires au total), ce qui permet à Square de continuer à vivre encore un peu. La firme lance ainsi au cours de l’année 1988 plusieurs jeux, dont le premier Hanjuku Hero (un jeu de stratégie à tendance humoristique) et surtout le deuxième Final Fantasy. Final Fantasy II réunit à nouveau dans son équipe les futurs grands noms de Square, tels que Akitoshi Kawazu (créateur et producteur de la série SaGa), Hiromichi Tanaka (producteur de Xenogears, Chrono Cross et Final Fantasy XI) et Koichi Ishii (créateur de la série Seiken Densetsu). Le titre est mis sur le marché en décembre 1988 et réalise au final plus de 700 000 ventes. Le nom Final Fantasy commence enfin à se faire connaître chez les joueurs japonais.
A gauche : King’s Knight, un RPG de Square précédant Final Fantasy.
A droite : Le premier Final Fantasy commence directement sur la carte du monde…
L’ouverture sur le monde
Mars 1989 voit la naissance de Square Soft, Inc., filiale destinée à l’adaptation et à la localisation des jeux développés par Square. L’un des premiers titres à être publié en dehors du Japon est Final Fantasy, en 1990, aux Etats-Unis. Il est directement suivi de Final Fantasy IV (renommé Final Fantasy II) l’année suivante. En 1989, Square développe son premier jeu sur la GameBoy de Nintendo : il s’agit deMakaitôshi SaGa, produit par Akitoshi Kawazu et publié aux Etats-Unis la même année sous le nom Final Fantasy Legend. C’est aussi cette année-là qu’est réalisé l’étonnant jeu Square no Tom Sawyer, un RPG sur Famicom. Mais à ce moment, l’équipe de Square travaille surtout sur Final Fantasy III, qui sort en avril 1990 et qui marque l’apogée de la Famicom grâce à une réalisation graphique et sonore de grande qualité pour l’époque. Cet épisode est le premier à rencontrer un vif succès puisqu’il atteint les 1 400 000 exemplaires vendus. Plusieurs grands noms actuels de la firme sont arrivés à cette époque, notamment les programmeurs Kazuhiko Aoki, Ken Narita, Takashi Tokita et Hiroyuki Ito, ainsi que les créateurs sonores Minoru Akao et Kenji Ito. Juin 1991 voit la naissance du premier Seiken Densetsu, réalisé par Koichi Ishii et publié aux Etats-Unis sous le nom Final Fantasy Adventure. Le scénario du jeu est écrit par Yoshinori Kitase, devenu plus tard la tête pensante des Final Fantasy sur consoles Sony.
L’arrivée de la Super Famicom
En novembre 1990, Nintendo met sur le marché sa nouvelle console, la Super Famicom (sortie dans le reste du monde sous le nom Super Nintendo). Toujours fidèle, Square développe Final Fantasy IV, qui sort en octobre 1991 et qui rencontre à nouveau un grand succès. Pour l’époque, le jeu était particulièrement surprenant notamment grâce à son scénario. La publication du jeu aux Etats-Unis (sous le nom Final Fantasy II, car les épisodes II et III japonais n’y étaient pas sortis) démontre en revanche à quel point la censure était omniprésente à cette époque. Outre les scènes retirées, le jeu est de plus beaucoup plus facile que la version japonaise. Après deux autres épisodes sur GameBoy (SaGa 2 Hihô Densetsu en 1990 et SaGa 3 Jikû no Hasha en 1991), la série SaGa produite par Akitoshi Kawazu passe sur Super Famicom avec l’arrivée en janvier 1992 de Romancing SaGa. Trois Romancing SaGa sont au final publiés sur la console, le 2 en 1993 et le 3 en 1995, mais aucun n’est sorti du Japon. 1992 est aussi l’année du deuxième Hanjuku Hero, mais aussi surtout de Final Fantasy V, en décembre. Bien que ne sortant pas du territoire japonais cette fois-ci, il totalise près de 2 500 000 exemplaires vendus, propulsant définitivement Final Fantasy au rang de saga culte.
A gauche : Le premier Romancing SaGa, un RPG alors assez rudimentaire.
A droite : Hanjuku Hero sur SNES, ou quand Square s’essaie à l’humour… japonais.
La multiplication des séries
En 1993, le deuxième Seiken Densetsu est publié sur Super Famicom. En plus de sortir également aux Etats-Unis, Nintendo se charge de sa publication en Europe sous le nom Secret of Mana. La même année, Square sort au Japon le premier jeu destiné avant tout au marché américain : Final Fantasy Mystic Quest, qui était paru de l’autre côté du Pacifique en 1992. Le dernier Final Fantasy sur Super Famicom voit le jour en avril 1994, il s’agit de Final Fantasy VI, le premier épisode à ne pas être dirigé par Hironobu Sakaguchi lui-même. Yoshinori Kitase et Hiroyuki Ito prennent sa place mais cela n’empêche pas Final Fantasy VI d’être de très bonne facture, à tel point que nombreux sont les fans le considérant encore comme le meilleur de la série. Il paraît aux Etats-Unis à la fin 1994 sous le nom Final Fantasy III. En 1995, outre Romancing SaGa 3 et Seiken Densetsu 3, on assiste à la naissance de deux grands jeux. Le premier est Front Mission, premier épisode de la série de RPG tactiques se déroulant dans un univers géopolitique réaliste. Le second est le produit de la première collaboration entre Square et Enix : Chrono Trigger. Hironobu Sakaguchi et Yuji Horii (créateur de Dragon Quest) produisent le titre tandis qu’Akira Toriyama (designer de Dragon Quest) dessine les personnages. Chrono Trigger connaît lui aussi un grand succès. En août 1995, Square ouvre sa filiale américaine Square L.A., Inc., devenu par la suite Square USA, Inc. Square réalise ses derniers grands jeux sur Super Famicom en 1996 : Bahamut Lagoon, Front Mission: Gun Hazard, Super Mario RPG et Rudra no Hihô. Mais les consoles de nouvelle génération se profilent et Sony vient mettre son nez là-dedans avec sa PlayStation.
Au revoir Nintendo, bonjour Sony
Si Square s’est bien sûr intéressé à la Nintendo 64, allant jusqu’à développer une démo technique reprenant les personnages de Final Fantasy VI en 3D, c’est Sony qui a gagné la course aux développeurs de Final Fantasy. Le géant japonais du multimédia s’est lancé dans l’aventure du jeu vidéo en 1994 en commercialisant la PlayStation, et même si le succès est déjà présent à son lancement, il lui en faut toujours plus. C’est en 1995 que Sony négocie avec Square l’exclusivité des droits de ses futurs jeux, et tous les avantages sont de leur côté en comparaison avec Nintendo : la PlayStation est certes moins puissante mais elle dispose du très avantageux support CD, permettant aux programmeurs de Square de se lancer, entre autres, dans la réalisation de séquences cinématiques. Mais Nintendo a aussi une part de responsabilité, à cause d’une politique trop ferme et surtout de son éternel support cartouche, coûteux et peu pratique. C’est en été 1996 que le premier jeu Square sur PlayStation est publié au Japon, il s’agit deTobal No.1, un jeu de combat bénéficiant tout comme Chrono Trigger du prestigieux design d’Akira Toriyama. En février de la même année, Square décide de créer une filiale destinée à la promotion et à la publication de ses titres, ainsi que de ses produits dérivés tels que les bandes originales, les guides et les figurines : c’est la formation de DigiCube, qui a acquis une certaine indépendance par la suite. Du côté de Nintendo, la réaction au départ de Square ne se fait pas attendre de la part du président de l’époque, Hiroshi Yamauchi, connu pour son fort caractère. Il maudit Square et déclare que tant qu’il occupera son poste, plus aucun de leurs jeux ne sera publié sur console Nintendo. Sony se frotte déjà les mains.
A gauche : Sephiroth, ou comment rendre un personnage mythique.
A droite : Final Fantasy Tactics ouvre la voie vers des styles inédits pour la saga.
L’arrivée fracassante chez Sony
Sony peut maintenant entièrement compter sur Square. Tobal No.1 n’est qu’une mise en bouche avant le raz-de-marée qu’est Final Fantasy VII, qui arrive en janvier 1997 au Japon, en août aux Etats-Unis et en novembre en Europe. Il provoque un séisme sans précédant dans l’histoire de la série. Et pour cause, c’était le premier épisode fait à la manière d’un blockbuster hollywoodien, à grand renfort de séquences cinématiques époustouflantes pour l’époque, d’un scénario bourré de rebondissements et surtout d’un casting devenu mythique. Le résultat n’a rien d’étonnant : au 31 mars 2003, 9 340 000 exemplaires s’étaient écoulés dans le monde entier, le plus gros succès de la firme. Afin de diversifier les genres de jeux développés, Square créé en 1997 une filiale nommée Aques, destinée à la création de jeux de sport. Sept titres au total sont réalisés entre 1997 et 1998, parmi lesquels Power Stakes (simulation hippique),Digital League ou Super Live Stadium (baseball). Après Power Stakes 2, plus aucune nouvelle d’Aques, ce qui n’empêche néanmoins pas Square de continuer à créer des jeux de sport avec l’arrivée de la PlayStation 2. L’année 1997 voit arriver aussi les premiers jeux développés par des filiales indépendantes de Square, telles que Dream Factory (à l’origine de Tobal 2) ou Light Weight (Bushido Blade). Mais Square poursuit également le développement de jeux de séries déjà existantes : c’est ainsi que SaGacontinue avec l’arrivée de SaGa Frontier, dont le premier épisode voit le jour en 1997 et le deuxième en 1999. Front Mission 2 paraît lui aussi en 1997. Désireux de prouver son attachement au genre des RPG tactiques, Hironobu Sakaguchi, toujours tête pensante de Square, invite le développeur Yasumi Matsuno de Quest (Ogre Battle) à réaliser un épisode de Final Fantasy de ce style-là. Final Fantasy Tactics est publié lui aussi en 1997 et rencontre un grand succès au Japon comme aux Etats-Unis.
L’ère des grands RPG
Afin de promouvoir l’aspect graphique de ses jeux, Square ouvre en novembre 1997 une filiale américaine basée à Honolulu (Hawaii) et nommée Square Pictures, suivie en mai 1998 de l’alliance avec Electronic Arts pour la promotion et la publication de leurs jeux en Amérique, donnant naissance à Square Electronic Arts. Après Final Fantasy VII, Square a fourni à la PlayStation une batterie de grands RPG unanimement appréciés par les fans. Début 1998, c’est Xenogears qui voit le jour et qui, en plus d’un assez bon succès (1 190 000 exemplaires dans le monde au total), trouve vite de férus admirateurs. La même année, les studios Square Pictures co-développent le surprenant Parasite Eve, basé sur une nouvelle de Hideaki Sana, et mettant en avant un fort côté cinématique dans un jeu typé RPG. Le deuxième Parasite Eve, publié en 1999, abandonne ce concept pour imiter Resident Evil de Capcom. En décembre 1998, Square décide de s’implanter en Europe, voyant tout l’intérêt que ce marché peut représenter, surtout après le grand succès de Final Fantasy VII qui avait été publié par Sony. Square Europe ouvre ses portes à Londres et se charge de l’assurance qualité de toutes les adaptations européennes des nouveaux titres, le premier sur la liste étant Final Fantasy VIII (qui est publié en Europe en octobre 1999). 1999 restera de loin l’année la plus chargée en excellents jeux pour Square, puisque chacune des grandes séries y trouve un nouvel épisode : Final Fantasy VIII, SaGa Frontier 2, Legend of Mana, Front Mission 3 et Chrono Cross. C’est sans compter les autres titres, non RPG, qui sont arrivés cette année. Une ère de prospérité propice à des projets encore plus énormes.
A gauche : Parasite Eve, une expérience esthétique qui restera unique pour Square.
A droite : Un échec malheureux voilant un film au message pourtant très fort.
L’erreur « The Spirits Within » ?
Hironobu Sakaguchi et les équipes de Square ont su prouver leur attirance pour le cinéma, surtout depuis l’arrivée de la PlayStation et des superbes cinématiques qui vont avec. La fondation de Square Pictures en novembre 1997 permet à Sakaguchi de réunir une équipe de brillants développeurs japonais et américains. Trois projets voient le jour grâce à cette équipe, à savoir Parasite Eve, Final Fantasy IX etFinal Fantasy: The Spirits Within (nommé Les Créatures de l’esprit en français). Final Fantasy IX voit le jour en 2000 au Japon et réussit à conquérir les foules sans grand problème, même si ses chiffres de vente sont inférieurs aux deux épisodes précédents. Lancé en 1998, le projet The Spirits Within a pour but de produire un film réaliste en images de synthèse. Hironobu Sakaguchi réalise le film et écrit le scénario, qui ne cache pas ses liens avec certains épisodes de la série en jeu vidéo. Il arrive dans les salles obscures en été 2001. Mais ce film s’est révélé être un fiasco total : le coût final de développement, s’élevant à 135 millions de dollars, dépasse largement les limites fixées à l’origine. Cela n’aurait pas été un problème si les résultats au box-office n’avaient pas été désastreux : seulement 79 millions de dollars au final. Ces résultats entraînent Square dans une période de fragilité se ressentant avec une baisse de productivité durant les deux années qui suivirent. Le président de Square de l’époque, Hisashi Suzuki, est contraint de démissionner pour laisser sa place à Yoichi Wada, qui a heureusement su reprendre la société en main.
Toujours plus de qualité et de diversité
En juin 1999, Square créé plusieurs filiales destinées à perfectionner chaque aspect de ses jeux. Ainsi naissent Square Visual Works (pour la création visuelle), Square Sounds (pour la création musicale et sonore), Squartz (pour l’assurance qualité) et Square Next (devenu The Game Designers Studio par la suite). Ces filiales ont finalement fusionné avec Square ensuite. La firme s’intéresse également à d’autres sociétés de création graphique. Pour Final Fantasy IX et X, plusieurs studios du monde entier ont pris part à la conception des séquences cinématiques (dont le studio français ExMachina). Le 29 janvier 2000, Square organise à Tokyo une conférence nommée Square Millenium, destinée à présenter les projets futurs de la firme, notamment concernant les consoles de nouvelle génération. Sony se prépare en effet au lancement de la PlayStation 2, en mars 2000. Square marque un grand coup lors de sa conférence en levant le voile sur trois Final Fantasy en même temps, à savoir le IX, le X et le XI, et en affichant clairement ses intentions : se tourner vers le jeu en ligne. PlayOnline est le nom du projet dans lequelFinal Fantasy X et XI étaient à l’époque inscrit ; le X a perdu ses fonctions en ligne entre-temps. Ce projet colossal, preuve de la santé de Square à l’époque, avait mobilisé quasiment toutes les équipes de développement de Square, ce qui explique aussi la baisse de régime dans l’année précédant le lancement de PlayOnline. En effet, Final Fantasy X, le premier sur PlayStation 2, est le seul à avoir marqué 2001, où il sort durant l’été au Japon, et signe comme toujours un joli score. Ses ventes totales dans le monde entier au 31 mars 2003 sont de 5 890 000. 2001 puis 2002 marquent surtout l’arrivée de plusieurs titres sur la WonderSwan Color de Bandai, tels que Wild Card ou Blue Wing Blitz, ainsi que des remakes des premiers Final Fantasy.
A gauche : Final Fantasy XI aura su gagner son public avec le temps et les continents.
A droite : Kingdom Hearts, un concept inhabituel mais un résultat époustouflant.
PlayOnline
Le début de l’année 2002 est surtout marqué par la sortie de Kingdom Hearts, un étonnant mélange entre les univers de Disney et de Square, réalisé par le designer Tetsuya Nomura. Malgré le caractère atypique du titre, il remporte un grand succès au Japon et dans le reste du monde. C’est en mai 2002 que Square lance le réseau PlayOnline, et par la même occasion Final Fantasy XI sur PlayStation 2. Les chiffres de vente restent assez faibles pendant quelques mois, dépassant difficilement les 100 000 unités. Mais le lourd équipement requis pour jouer sur PlayStation 2 (disque dur, clavier) explique ces faibles chiffres. Il faut attendre la sortie PC du jeu à la fin de l’année et surtout son arrivée en Amérique puis en Europe pour booster les ventes et finalement atteindre les 500 000 abonnés à PlayOnline en mai 2004. Les résultats étant finalement satisfaisants, Square se décide à poursuivre dans la voie du jeu en ligne en dévoilant divers projets par la suite, notamment Front Mission Online, publié en 2005. Parallèlement àFinal Fantasy XI, au cours de l’année 2002, les jeux développés sont toujours peu nombreux, outre une série de remakes sur WonderSwan Color et PlayStation (avec les deux premiers Final Fantasy). Akitoshi Kawazu publie, à la fin de l’année, le très controversé Unlimited: SaGa, qui propose un concept de RPG sur table que la plupart des joueurs a boudé à cause de sa rigidité. Mais l’annonce du développement deFinal Fantasy XII sous la houlette de Yasumi Matsuno, qui avait étonné les foules et ravi la presse lors de la sortie de son Vagrant Story sur PlayStation en 2000, donnait beaucoup d’espoir à tous les fans de la série, qui ne s’attendaient cependant pas à devoir attendre aussi longtemps pour y toucher.
La fusion entre Square et Enix
Fin novembre 2002, les deux sociétés rivales Square et Enix créent l’événement en annonçant leur fusion, à la date du 1er avril 2003. Yoichi Wada trouve ainsi là le meilleur moyen de remonter la pente après le désastre du film Final Fantasy : cette fusion, dans laquelle chaque parti trouve son compte, permet à Square, maintenant nommé Square Enix, de devenir l’une des plus grosses sociétés de jeux vidéo au monde, en détenant des licences extrêmement juteuses : non seulement Final Fantasy et Dragon Quest, mais aussi les jeux de tri-Ace (Star Ocean) et Game Arts (Grandia) qui étaient auparavant produits par Enix. Cette fusion permet également à Square de profiter de l’implantation d’Enix au Japon et dans le reste de l’Asie en ce qui concerne le développement pour la téléphonie mobile ainsi que la publication de magazines (Enix étant propriétaire du Shônen Gangan, qui a lancé le fameux manga Fullmetal Alchemisten juillet 2001). La réorganisation de Square Enix suivant la fusion permet de lancement de nombreux nouveaux projets. Les derniers jeux publiés à part par les deux compagnies sont Star Ocean: Till the End of Time pour Enix en février 2003 et Final Fantasy X-2 pour Square en mars. Final Fantasy X-2 marque la première suite directe à un épisode de la série et comble ainsi un certain vide de Final Fantasy hors ligne entre le X et le XII, même s’il provoque une grande polémique quant à son orientation plus légère que le jeu original. En novembre 2003, Square Enix connait son premier coup dur : sa filiale DigiCube fait faillite suite à des pertes considérables. La cause invoquée à l’époque par les dirigeants vient du trop long retard (déjà) accumulé par Final Fantasy XII, mais il y a fort à penser que DigiCube avait beaucoup perdu de sa compétitivité.
A gauche : Yoichi Wada de Square main dans la main avec Yasuhiro Fukushima et Keiji Honda d’Enix.
A droite : Sept ans plus tard, Square retrouve Nintendo, mais à quel prix ?
Le retour chez Nintendo
Hiroshi Yamauchi avait dit ne plus vouloir de jeux Square sur ses consoles, mais l’arrivée de Yoichi Wada en tant que président de Square a permis de changer les relations entre sa société et Nintendo. Ainsi, en 2002, ils marchent à nouveau main dans la main. Mais la firme tient à laisser un studio à part entière développer et produire les premiers jeux. Akitoshi Kawazu prend ainsi la tête de The Game Designers Studio (ex-Square Next), financé ni plus ni moins par le Fund Q de Hiroshi Yamauchi, et lance le développement d’un Final Fantasy sur le GameCube de Nintendo, mais aussi de plusieurs titres sur la GameBoy Advance. Le premier à voir le jour est un remake de Dice de Chocobo, un jeu d’énigme mettant en scène les Chocobos sorti à la fin 1999 sur PlayStation, renommé Chocobo Land: A Game of Dice. Il est publié en décembre 2002. Mais le premier titre original à voir le jour est Final Fantasy Tactics Advance, produit par Yasumi Matsuno et lancé en février 2003 sur GameBoy Advance. Viennent ensuite Final Fantasy Crystal Chronicles, sur GameCube, et Sword of Mana, sur GameBoy Advance, au cours de l’été. Malgré toute la publicité faite par Nintendo autour de Crystal Chronicles, l’accueil du jeu est assez mitigé, surtout à cause d’un plaisir de jeu limité par la difficulté de réunir quatre joueurs ayant chacun une GameBoy Advance, car le titre se base justement sur le jeu à plusieurs. Il n’en demeure pas moins artistiquement exemplaire. Sword of Mana, quant à lui, est un remake du premier Seiken Densetsu, produit par Square Enix mais réalisé par Brownie Brown, un studio indépendant formé d’anciens membres de Square ayant notamment travaillé sur Legend of Mana.
La téléphonie mobile
L’élargissement des perspectives de Square Enix passe surtout par la multiplication des plateformes de développement. Après être passé sur PlayStation 2, puis GameCube, sans oublier les portables WonderSwan Color et GameBoy Advance, Square Enix se penche grâce à l’ex-Enix sur la création de jeux pour téléphones mobiles. Dès 2003, de nombreux titres sont développés et mis sur le marché, dans une double gamme nommée Pocket Action et Pocket Puzzle. Parmi les titres, il y a des adaptations d’anciens comme de nouveaux jeux : Actraiser, un RPG publié par Enix au début des années 90, tout commeDrakengard (Drag-on Dragoon de son nom japonais), un jeu d’action développé par cavia et tout juste publié sur PlayStation 2. Les premiers épisodes des séries Final Fantasy et Dragon Quest font également leur apparition sur divers services tels que le i Mode et EZ web. En 2004, un ambitieux projet voit le jour dans le cadre de la Compilation of Final Fantasy VII. Il s’agit de Before Crisis -Final Fantasy VII-, un jeu d’action jouable en réseau sur les téléphones 900i de FOMA. Précurseur dans la réalisation de jeux entièrement en 3D sur mobile, Square Enix publie en 2005 Musashi: Mobile Samurai, Final Fantasy VII Snowboarding et Code Age Brawls, trois jeux à la qualité graphique étonnante. La technologie japonaise étant toujours en avance par rapport à celle du reste du monde, l’arrivée de tels produits en occident reste difficile. Cela n’empêche pas Square Enix de créer des filiales spécialement destinées aux jeux sur téléphones mobiles en Amérique et en Europe au cours de l’année 2004.
A gauche : Tetsuya Nomura devient la nouvelle star de Square Enix…
A droite : …alors que Final Fantasy VII revient sous les feux de la rampe. Ici, Dirge of Cerberus.
Des perspectives polymorphiques
C’est en mai 2004 que le président Yoichi Wada évoque pour la première fois l’idée de polymorphie, qui anime depuis lors les nouvelles créations de Square Enix. Le concept est simple : autour d’une idée de base, plusieurs projets sont réalisés dans des domaines différents, allant du jeu vidéo au manga. La première représentation de ce concept de polymorphie est la Compilation of Final Fantasy VII, lancée en automne 2003 avec le dévoilement du projet de film Final Fantasy VII Advent Children. En se basant sur le jeu le plus vendu de la firme, l’équipe de développement dirigée par Yoshinori Kitase et Tetsuya Nomura compte bien satisfaire les attentes des fans. Ainsi, en 2004, Square Enix lève le voile sur trois autres projets inspirés de Final Fantasy VII et explorant chacun des voies différentes : Before Crisis, un jeu en réseau sur téléphone mobile, Dirge of Cerberus, un jeu d’action sur PlayStation 2, et Crisis Core, un Action-RPG sur PSP (PlayStation Portable). La polymorphie passe également par la publication de nombreux mangas basés sur les derniers jeux de Square Enix. Le magazine Gangan, publié par Square Enix, abrite ainsi dans ses pages des bandes dessinées inspirées de Star Ocean: Till the End of Time,Kingdom Hearts, Final Fantasy Crystal Chronicles, Sword of Mana ou encore Dragon Quest VIII. Le magazine Gangan abrite aussi le fameux manga Fullmetal Alchemist, dont Square Enix a publié les jeux vidéo, réalisés par Racjin. En 2005, Square Enix lance un nouveau concept polymorphique, à savoir le projet Code Age, produit par Yusuke Naora. Il comprend un manga (Code Age Archives), publié dans le magazine Gangan, un jeu vidéo sur PlayStation 2 (Code Age Commanders) et un autre sur téléphone mobile (Code Age Brawls), mais le public reste froid.
La poursuite des grandes sagas
Mais si Square Enix explore de nouveaux horizons avec le jeu en ligne, la téléphonie mobile et la polymorphie, les jeux classiques sur les consoles de salon et portables restent la principale préoccupation de la société. Le premier événement majeur de l’après fusion est la publication en novembre 2004 deDragon Quest VIII, quatre ans après le VII. Le succès de Dragon Quest prouve une fois de plus qu’il dépasse même celui de Final Fantasy, avec plus de 3 000 000 d’exemplaires dans les jours suivant sa sortie. La série Kingdom Hearts continue son chemin avec Kingdom Hearts Chain of Memories sur GameBoy Advance à la fin 2004, puis Kingdom Hearts II sur PlayStation en 2005. Après le bide d’Unlimited: SaGa, Akitoshi Kawazu décide de revenir à la quintessence de sa série en développant un remake intégral du premier Romancing SaGa en avril 2005. Si Front Mission Online est lancé en mai 2005 au Japon, l’équipe à l’origine de la série réalise également un cinquième épisode, nommé Scars of the Waret lancé en décembre de la même année. Depuis la publication à l’été 2003 de Hanjuku Hero VS 3D sur PlayStation 2, reprenant dix ans plus tard le flambeau d’une série de jeux de stratégie humoristiques, le producteur Takashi Tokita ne lâche pas l’affaire et développe deux nouveaux épisodes, dont un sur la DS de Nintendo en mars 2005, et l’autre, Hanjuku Hero 4, sur PlayStation 2 en mai de la même année. Game Arts, ex-filiale d’Enix maintenant appartenant à Square Enix, annonce en 2005 la sortie de Grandia III. Mais l’événement vient bien sûr de Final Fantasy XII, réalisé par Yasumi Matsuno et attendu par tous les fans de la série depuis de longues années, et qui est finalement mis sur le marché le 16 mars 2006. 2,4 millions d’exemplaires s’écoulent, comme toujours, en quelques semaines.
A gauche : La sortie de Final Fantasy XII soulage finalement 2 millions de Japonais.
A droite : La nouvelle génération se prépare aussi sur Xbox 360 avec la démo technique de l’E3 2005.
Une nouvelle nouvelle génération
L’année 2005 reste dans les annales du jeu vidéo pour avoir vu la naissance de la nouvelle génération de consoles. Lors du salon E3 à Los Angeles, en mai, Microsoft dévoile sa Xbox 360, Sony sa PlayStation 3 et Nintendo évoque sa Revolution. Square Enix participe à l’événement en serrant la main aux trois machines. Le réseau Xbox Live de la première Xbox était malheureusement fermé, ce qui empêchait la firme de faire jouer tous les possesseurs de Final Fantasy XI et de jeux PlayOnline ensemble. Pas deux fois la même erreur : Microsoft, bien décidé à conquérir le marché japonais, a donné à la Xbox 360 un réseau libre, ce qui permet à Square Enix d’annoncer le développement d’une adaptation de Final Fantasy XI sur la console, permettant au jeu d’accéder à la nouvelle génération tout en gardant ensemble les joueurs déjà présents sur PlayStation 2 et PC. L’E3 2005 est également l’occasion pour Square Enix d’assurer sa fidélité à Sony en déclarant poursuivre le développement de la saga Final Fantasy sur PlayStation 3. Nintendo, enfin, n’est pas en reste, puisqu’un nouvel épisode de Final Fantasy Crystal Chronicles est annoncé sur la Revolution. Au sortir du salon, la société a gagné une raison supplémentaire de continuer son élargissement. Hiromichi Tanaka, au cours de l’événement, annonce également le développement d’un nouveau MMORPG pour Xbox 360 et Windows Vista, préparant ainsi déjà la suite deFinal Fantasy XI. Il faudra néanmoins encore attendre avant de découvrir les vrais plans de Square Enix pour les nouvelles consoles de salon.