Lundi dernier, de nombreux sites ont publié leurs impressions de Final Fantasy XVI à la suite d’une récente tournée des médias – j’ai eu la chance d’en faire partie. Certains ont même eu la chance d’interroger quelques-uns des créateurs du jeu, l’occasion d’apprendre des détails supplémentaires. Les personnes interrogées sont le réalisateur Hiroshi Takai, le directeur créatif et scénariste original Kazutoyo Maehiro, le directeur artistique Hiroshi Minagawa, le compositeur principal Masayoshi Soken et l’inévitable producteur Naoki Yoshida.
Ce qui va suivre compile une sélection d’informations picorées çà et là, en se concentrant sur certains sujets relatifs au déroulement du développement, aux inspirations des développeurs et à la musique. À ce titre, il n’y a aucun spoiler.
Un développement fluide ?
- On entend souvent dire que le développement de FFXVI se serait bien passé, comparativement aux précédents épisodes (FFXIII, FFXIV première version et, surtout FFXV). Dans plusieurs entretiens, les créateurs tendent à nuancer fortement cette notion. Hiroshi Minagawa l’annonce d’emblée : aucun développement ne se déroule sans à-coups, surtout pour un projet de cette ampleur. L’équipe a notamment eu beaucoup de mal à rendre le nouveau système de combat fluide et à concilier des graphismes réalistes avec des performances techniques acceptables. De son côté, Naoki Yoshida suppose que cette impression trompeuse vient du fait qu’ils ont mené une campagne promotionnelle maîtrisée, qui évitait de trop en montrer – ce qu’il a lui-même souhaité (Push Square).
- D’ailleurs, Hiroshi Minagawa admet qu’il n’était pas censé participer au projet FFXVI à l’origine (il travaille d’ordinaire sur FFXIV), et qu’il a été appelé à la rescousse en cours de route. Il a ensuite sollicité un certain nombre de développeurs de FFXIV pour l’aider à régler les problèmes du nouveau jeu, mais insiste pour dire qu’il a laissé le MMORPG entre de bonnes mains, car le sang neuf était prêt à prendre la relève (Easy Allies).
- Certes, Naoki Yoshida ne peut manquer de souligner que les choses ont été moins troublées que dans les précédents épisodes. « Les projets ne se déroulent jamais comme vous l’espérez, surtout quand ils impliquent une technologie et un game design nouveaux. Cela étant dit, nous n’avons jamais subi de problèmes fondamentaux tels que la nécessité de réécrire totalement le scénario ou de changer de réalisateur en milieu de projet », affirme-t-il sur Easy Allies – des exemples judicieusement choisis, et je ne pense pas avoir besoin d’expliquer pourquoi…
- Hiroshi Takai admet que l’équipe s’est demandé jusqu’à la toute fin si elle ne devait pas supprimer l’un des continents du jeu afin d’honorer le calendrier sans trop de difficultés, mais qu’elle a décidé de se tenir à son plan initial. Takai explique leur logique en ces termes : « Puisque l’enlever ou le laisser sera un enfer dans les deux cas, autant le laisser. » Ce à quoi Maehiro répond : « Et ça a bien été un enfer. (rires) » Notons que cela rappelle une précédente anecdote, où il s’agissait d’enlever l’une des six nations et non un continent. On ignore s’il s’agit du même événement, mais cela est probable (4Gamer).
- La question du moteur utilisé pour le développement de FFXVI s’est longtemps posée, et Naoki Yoshida a enfin donné la réponse : ni Unreal Engine, ni Luminous Engine, le jeu est conçu à partir d’un moteur spécialement conçu pour lui au sein de son département, la Creative Business Unit III. Il n’a d’ailleurs même pas de nom (« BUIII Engine », suggère Yoshida en plaisantant). Le producteur ajoute que l’équipe de Luminous était encore en train de travailler sur les contenus additionnels de FFXV quand FFXVI est entré en production, alors le moteur n’était pas prêt à un usage externe, notamment parce qu’il n’y avait aucune documentation ou assistance technique possible. Ils ont donc préféré créer le leur, même si cela était compliqué (Vandal).
Un jeu guidé par son scénario
- L’une des raisons pour lesquelles la conception de FFXVI est restée dans les clous est que le scénario a été écrit très tôt par Kazutoyo Maehiro et que tout le reste du développement s’est basé sur son déroulement. Il s’agissait apparemment d’un document très copieux, Hiroshi Takai affirmant qu’il a mis plusieurs heures à le lire. Takai et Maehiro estiment que l’histoire de départ a été respectée à la lettre, si ce n’est sur certains points. Bien sûr, des questions de budget et de calendrier ont entraîné la suppression de quelques segments, mais Maehiro dit qu’ils ont tenté dans la mesure du possible de verser les détails concernés dans des quêtes secondaires (4Gamer).
- Naoki Yoshida note que son équipe a été intransigeante avec l’histoire de FFXVI à cause de l’exemple FFXV, qui a été abondamment critiqué pour son récit incomplet, qui n’a pas pu être totalement comblé à travers les contenus téléchargeables. Il a donc voulu que le jeu soit complet dès le lancement (Push Square, blog PlayStation).
- Certains d’entre vous se demandent dans quelle langue FFXVI a été écrit, car Naoki Yoshida a déjà précisé que les enregistrements des voix avaient commencé par la version anglaise afin d’assurer la synchronisation labiale. Il a désormais apporté une précision : FFXVI a bel et bien été écrit en japonais à l’origine, sous la direction de Kazutoyo Maehiro, puis a été traduit en anglais pour les enregistrements. En revanche, Yoshida ajoute qu’il ne s’agissait pas d’une simple traduction, mais d’une localisation faite pour coller au mieux à l’esprit des jeux en langue anglaise – une habitude de Square Enix, parfois discutable. Par la suite, certaines des altérations de l’anglais ont été répercutées dans le texte japonais (Push Square).
La fin de la numérotation ?
- Cette question a d’ores et déjà provoqué quelques discussions sur Internet. Interrogé par GQ sur la possibilité d’abandonner la numérotation des Final Fantasy, Naoki Yoshida répond : « C’est justement quelque chose dont j’ai parlé avec ma hiérarchie. […] Prenez par exemple FFXIV. Quand un nouveau joueur arrive, il se demande : “Pourquoi je devrais jouer à FFXIV alors que le XVI est disponible ?” On pourrait enlever le numéro et simplement l’appeler Final Fantasy Online, ce serait plus facile à comprendre. Quant à savoir si FFXVII ou XVIII doivent garder un numéro, ce sera aux développeurs et aux responsables de la marque de ces jeux de prendre la décision. » Le sujet est légitime et intéressant. Si la notion que chaque FF est indépendant des autres était simple à comprendre du temps où les hors série étaient rares, les temps ont changé, et la cohabitation de nombreux titres est certainement confuse pour les nouveaux venus. Et vous, qu’en pensez-vous ?
Les influences des développeurs
- Inévitablement, FFXVI est comparé depuis son annonce à la série Game of Thrones. Ce n’est pas totalement absurde, puisque lors des premières phases du projet, l’équipe de développement a reçu pour instruction d’en regarder les quatre premières saisons afin de s’imprégner de l’ambiance, car c’est la direction que Yoshida voulait explorer. Si les principaux responsables du projet sont des inconditionnels de longue date de dark fantasy, le succès impressionnant de Game of Thrones les a convaincus d’essayer d’appliquer cette recette à FF. Du côté des jeux vidéo, Hiroshi Minagawa confirme qu’ils ont examiné des titres tels que The Witcher et God of War afin d’en étudier les visuels et la narration, mais précise évidemment qu’il ne s’agissait pas d’en faire une simple copie : leur mission restait de créer un FF. Naoki Yoshida ajoute que Le Seigneur des Anneaux a aussi constitué une source d’inspiration pour l’architecture des bâtiments (Eurogamer, The Gamer, Game Informer).
- Bien sûr, se contenter de dire que FFXVI est le Game of Thrones de la série ou que sais-je encore est fort simpliste. Pour Naoki Yoshida, le jeu est avant tout la somme de leurs influences, et il n’est pas question pour eux de le catégoriser trop précisément. « Nous aimons les God of War, les Assassin’s Creed, les Persona, les Elden Ring, les Ghost of Tsushima. Nous aimons plein de jeux et nous ne réfléchissons pas en termes de RPG japonais ou occidentaux. En voulant développer FFXVI, nous avons pris tous ces jeux en considération et nous avons cherché à les surpasser », explique-t-il (The Gamer).
- Concernant les influences des projets sur lesquels ils ont déjà travaillé, les créateurs admettent que FFXVI comptera un certain nombre d’allusions à The Last Remnant (en plus du chien Talgor), sur lequel Hiroshi Takai et Kazutoyo Maehiro ont œuvré en tant que réalisateur et directeur des combats, respectivement. Hiroshi Minagawa pense que l’ambiance générale rappellera aussi FFXIV, tandis que Yoshida admet qu’il y a certainement une part d’ADN de FFXII. Sur ce dernier point, Maehiro dit que toute ressemblance s’explique par le fait qu’il a beaucoup appris auprès de Yasumi Matsuno, puisqu’il a participé à la création de FF Tactics, Vagrant Story et FFXII auprès de lui. Les chiens ne font pas des chats (Denfaminicogamer, The Gamer).
- Les inspirations de dark fantasy de FFXVI ont eu un impact inévitable sur la présence de certains éléments emblématiques de la série. Naoki Yoshida avoue que tout n’a pas pu être intégré et prend pour exemple le pampa, ce cactus anthropomorphe dont le design loufoque jure avec le style visuel du jeu. Tout juste ont-ils réussi à le glisser sous la forme d’un clin d’œil aux fans, comme un certain nombre d’autres éléments (Screenrant).
La (copieuse) bande originale
- Pour la première fois, Masayoshi Soken a pu s’exprimer longuement sur son travail pour FFXVI. On comprend mieux pourquoi la bande originale couvrira sept à huit disques : selon lui, le jeu comptera en effet environ 215 morceaux ! Le compositeur raconte qu’il y a cinq ans, lorsqu’il a demandé à Kazutoyo Maehiro de combien de musiques il aurait besoin, celui-ci lui a confié une liste de 140 pièces. Cela était déjà particulièrement copieux, si bien que sa réaction a été : « Je n’y arriverai jamais ! ». Assez ironiquement pour qui connaît son œuvre sur FFXIV, Soken avoue ne pas aimer écrire trop de musique pour un jeu, car il pense que sa présence doit se justifier en termes d’implication émotionnelle pour le joueur. Seulement, c’est à force d’écrire des musiques pour répondre aux besoins de FFXVI que son équipe et lui ont fini par dépasser les 200 morceaux (4Gamer).
- Bien sûr, cela ne signifie pas que FFXVI compte 215 mélodies séparées. Afin de donner de la cohérence à l’ensemble, l’équipe a commencé par établir des thèmes principaux, liés aux personnages et aux différentes nations, pour les décliner ensuite en fonction des situations. Masayoshi Soken explique qu’il aurait tout à fait pu opter pour une musique de style « épique », sans thèmes accrocheurs, mais grandiloquente afin d’impressionner la galerie. Cependant, il dit s’être demandé ce que ferait Nobuo Uematsu s’il était à sa place et a pensé – à raison – que le père de la musique de FF préférerait créer des mélodies mémorables. C’est pour cela qu’il a souhaité conserver cette caractéristique (4Gamer).
- En termes de style, nous avons déjà pu constater que FFXVI optera pour une musique orchestrale sombre, riche en grandes orchestrations (quoique synthétiques…) et en chœurs. Masayoshi Soken indique que, là où FFXIV est un jeu très diversifié pour lequel il peut multiplier les styles musicaux, FFXVI est centré autour d’un récit unique avec une ambiance affirmée, ce qui signifie que la bande-son restera axée sur cette idée. Si Soken rechigne à utiliser le terme de dark fantasy, qu’il trouve simpliste, il admet que le jeu affichera un style plus trouble que les précédents FF, qui pouvaient se permettre une musique plus démonstrative. De même, les demandes qu’il recevait de Maehiro et même de Naoki Yoshida contenaient des pièces de musique classique en guise de référence, ce qui le forçait à respecter leur intention (4Gamer, Denfaminicogamer).
- Néanmoins, Masayoshi Soken a craqué au moins une fois. Ayant reçu une commande dans le même style que le reste du jeu pour l’une des scènes, il a estimé que le contexte se prêtait à un morceau plus extravagant. Faisant preuve d’égoïsme, il se dit que si ça passe, tant mieux – sinon, il en composera un autre. En découvrant le résultat, Hiroshi Takai et Kazutoyo Maehiro ont simplement répondu : « On s’y attendait ! » Soken plaide coupable, affirmant que la scène aurait très bien pu marcher avec une orchestration plus classique, mais qu’il « n’a pas pu résister à l’envie » de l’élever au niveau supérieur. Reste maintenant à savoir quelle approche il a bien pu choisir (4Gamer).
- Qu’en est-il des mélodies emblématiques de la série ? Si nous avons déjà pu entendre la fanfare de victoire sous la forme d’un court jingle dans l’encyclopédie d’Harpocrate, Masayoshi Soken révèle qu’un traitement similaire a été réservé au thème des chocobos. Celui-ci, en effet, ne sera entendu que sous la forme d’une ponctuation sonore au moment de monter sur le volatile, puis la musique restera la même que lors de l’exploration à pied. L’explication à cela est logique : dans un monde évanescent et sérieux comme celui de FFXVI, la fraîcheur du thème d’Uematsu semblerait en décalage complet. Si l’équipe a bien essayé d’intégrer un arrangement complet, le fait est que ça ne fonctionnait pas, alors elle a préféré y renoncer. Sans regrets : pour Soken, les intérêts du jeu sont toujours prioritaires, et forcer quelque chose dans un titre qui ne s’y prête pas risque de nuire à l’expérience du joueur (4Gamer).
Au sujet du correctif du jour de lancement
- Comme vous le savez sûrement, le développement de FFXVI a pris fin le 31 mars dernier. À la surprise générale, Naoki Yoshida a précisé qu’il ne comptait pas proposer de correctif à télécharger le jour du lancement (un day one patch, comme on dit), alors que la plupart des jeux y ont désormais recours. Depuis, Hiroshi Takai a confirmé que ce n’était toujours pas prévu, bien que ce ne soit pas totalement exclu. En effet, son équipe continue à jouer quotidiennement pour trouver des bugs et, en cas de problème grave détecté, ils plancheront sur un correctif. Il n’en reste pas moins que FFXVI promet d’être particulièrement stable pour qui jouera à la version installée sur le disque (Game Informer).
La possibilité d’une suite et des DLC
- Pour le moment, il n’est pas question de suite à FFXVI, car selon les développeurs, il s’agit d’une histoire complète qui se suffit à elle-même. Néanmoins, Naoki Yoshida a reconnu qu’ils ont « laissé la porte un peu ouverte », juste au cas où. De leur côté, Hiroshi Takai et Kazutoyo Maehiro affirment qu’il serait difficile de donner une suite à l’histoire (n’en tirez pas de conclusions trop directes), mais que l’univers est suffisamment copieux pour qu’une nouvelle aventure puisse s’y dérouler. Tout juste Takai précise-t-il en riant qu’il préférerait laisser quelqu’un d’autre s’en occuper (RPG Site, 4Gamer).
- De même, il semble qu’aucun contenu téléchargeable ne soit prévu pour l’instant, car l’équipe attend de connaître l’accueil réservé par le public à FFXVI. On peine cependant à imaginer que quelque chose ne soit pas déjà dans les tuyaux, alors il s’agit sans doute d’une simple réponse polie en forme de « nous en parlerons le moment venu » (Game Informer).