En plus de révéler de nombreux détails sur l’histoire, l’univers et le système de jeu de Final Fantasy XVI, Naoki Yoshida a profité des nombreuses interviews publiées aujourd’hui pour lever un peu plus le voile sur les origines du développement de ce nouvel épisode et sur les ambitions qu’il porte. Vous en trouverez un résumé ci-dessous.
La première étincelle de FFXVI
Bien qu’il ne se souvienne pas de la date exacte, Naoki Yoshida révèle que c’est au moment du développement de l’extension Heavensward de Final Fantasy XIV (soit fin 2014 ou début 2015) que le président de Square Enix, Yôsuke Matsuda, lui a pour la première fois demandé s’il était intéressé à l’idée de développer le seizième épisode de la série au sein de son département, alors nommé Business Division 5. La raison à cela est simple : le département de Yoshinori Kitase (la Business Division 1) venait de se lancer dans le projet de remake de Final Fantasy VII et n’était donc pas en mesure de préparer un deuxième titre d’aussi grande ampleur en même temps. On peut aussi imaginer qu’il s’agissait de récompenser Yoshida et les siens pour la remise à flot quasi miraculeuse de FFXIV, et il dit aujourd’hui avoir reçu cette proposition avec un grand honneur.
Cependant, comme il était alors pleinement concentré sur Heavensward, il a demandé à Matsuda de lui accorder du temps pour y réfléchir. Finalement, c’est seulement après le lancement de l’extension, en juin 2015, qu’il a recommencé à y songer sérieusement. Or, il était alors face à un dilemme : maintenant que FFXIV était de nouveau sur les rails, l’entretien du MMORPG sur la longue durée devait rester la principale priorité de ses équipes. Si jamais il avait soudain décidé de se retirer pour commencer à travailler sur FFXVI en tant que réalisateur, non seulement cela aurait constitué beaucoup trop de travail pour une seule personne, mais il aurait risqué de susciter un sentiment de trahison chez les joueurs, qui lui auraient reproché d’abandonner le jeu.
La seule solution était donc de trouver une personne de confiance pour endosser le rôle de réalisateur. Pour lui, il n’y avait qu’un seul homme à la hauteur de la tâche : Hiroshi Takai, avec qui il venait de ressusciter non sans mal FFXIV (après avoir dû annuler un projet de jeu d’action sur lequel ils travaillaient déjà ensemble) et dont il sait qu’il jouit d’une bonne réputation auprès de ses équipes. Quand Yoshida est venu le voir pour lui faire sa proposition, en ajoutant qu’il pourrait compter sur lui en tant que producteur, Takai a répondu par la positive, non sans ajouter cette réplique pleine de loyauté : « Puisque tu me le demandes, alors je vais faire de mon mieux. » Leur destin était alors scellé, et c’est à ce moment-là – toujours à la mi 2015 – que Yoshida a annoncé à la direction de Square Enix qu’il acceptait son offre.
Mise en place d’une équipe
En revanche, il n’était pas question de se lancer tout de suite corps et âme dans le nouveau projet. Insistant pour que les efforts de son département continuent à se concentrer sur FFXIV, Yoshida a demandé de commencer en formant une minuscule équipe qui prendrait tout son temps pour planifier le jeu. C’est ainsi qu’à partir du mois de novembre 2015 environ, il a assemblé autour de lui trois vétérans de FFXIV : Hiroshi Takai bien sûr, puis Kazutoyo Maehiro pour le scénario et le game design global, et Mitsutoshi Gondai pour les systèmes de jeu et de combat. Mais il ne s’agissait pas de les retirer totalement du MMORPG non plus, alors les trois ont continué à agir en tant que superviseurs de FFXIV pendant encore une année, dans le but d’assurer la transition.
À ce moment-là, on ne pouvait pas encore parler d’équipes séparées pour les deux jeux. C’est uniquement au lancement de l’extension Stormblood, en 2017, que Takai, Maehiro et Gondai ont senti qu’ils pouvaient passer la main. Le département s’est officiellement scindé en l’équipe FFXIV, la plus grande des deux, et celle de FFXVI, encore réunie autour d’un petit noyau. Rapidement, la seconde a néanmoins gagné en personnel, jusqu’à ce que la préproduction cède la place à la phase de développement intensive, probablement quelque part en 2019 lors de la transformation de la Business Division 5 en Creative Business Unit III (Yoshida n’a pas précisé cette date). Aujourd’hui encore, les deux groupes sont en grande partie distincts, même s’ils se soutiennent mutuellement.
Notons que la responsabilité des combats est passée en cours de route à Ryôta Suzuki, qui a précédemment travaillé chez Capcom sur Devil May Cry et Dragon’s Dogma. En 2019, Suzuki est entré en contact avec Naoki Yoshida après avoir appris que son département cherchait à axer ses recrutements sur des spécialistes des jeux d’action. Dès son arrivée dans l’équipe de FFXVI, il a entamé un examen intégral du système de combat conçu jusque-là pour faire le tri entre les fonctions utiles et inutiles. Gondai, quant à lui, est retourné travailler sur FFXIV en tant que concepteur en chef des niveaux de Shadowbringers et game designer en chef d’Endwalker (on ignore s’il a continué à participer au développement de FFXVI).
Pour Naoki Yoshida, développer un nouveau jeu est plus facile en commençant avec une équipe la plus réduite possible, car cela permet de cerner beaucoup mieux les ambitions du titre et les contenus à créer. S’il y a trop de monde dès le début du projet, au moment où les paramètres sont encore flous, il y a un fort risque d’éparpillement et de perte de vision, ce qui entraîne souvent du gaspillage de temps et de ressources. Dans le cas d’un RPG, le plus important est d’écrire rapidement le scénario de base et de définir les bases du système de combat, deux missions qui peuvent être accomplies avec un nombre limité de personnes.
La nature de Final Fantasy
Dès le début du projet, Naoki Yoshida et Hiroshi Takai se sont donné comme mission de déterminer quelles sont les qualités principales de Final Fantasy. Grâce à son rôle de producteur et réalisateur de FFXIV, le premier avait un avantage certain : il a fait le tour du monde à plusieurs reprises et pu rencontrer de nombreux fans et journalistes – un bon moyen de connaître leurs attentes. Mais, afin de faire les choses dans les règles de l’art, Square Enix a même organisé une grande enquête internationale à destination non seulement des fans de la série, mais aussi des personnes qui n’y ont jamais joué. Naturellement, les résultats étaient très divers et variés, ce qui ne leur a pas facilité pas la tâche.
Motivé par les conseils qu’il avait reçus de plusieurs autres pontes de Final Fantasy lors du développement de FFXIV (dont Yoshinori Kitase et Tetsuya Nomura, et même Hironobu Sakaguchi), Naoki Yoshida a décrété qu’il serait de toute façon impossible de combler les demandes de tous les fans dans un même jeu. De manière étonnante, mais finalement logique, il explique que sa responsabilité de producteur est alors non pas de définir ce que le jeu doit contenir, mais ce qu’il ne doit pas contenir, afin d’éviter que son équipe s’épuise à créer des choses impossibles. Sa philosophie est : si vous avez une bonne idée et si elle vous semble faisable, alors faites-la, mais ce n’est pas grave de l’abandonner si vous ne savez pas comment la concrétiser.
Les deux points essentiels que Yoshida a choisi d’écarter d’emblée sont le monde ouvert et les combats à l’ancienne, à base de menu de commandes. Le premier point est d’autant plus intéressant que le précédent épisode, FFXV, s’était justement essayé au monde ouvert, pour un résultat qui – de l’avis général – était malheureusement peu convaincant, à tel point qu’il aurait peut-être été plus abouti si l’équipe n’avait pas autant insisté pour proposer une carte unique de très grande taille. Pour Yoshida, ce n’est pas tant une question de game design que de capacités techniques, car si le monde ouvert a bien certains atouts, les Final Fantasy sont avant tout des histoires épiques, ce qui implique une mise en scène spectaculaire. Preuve en est : selon lui, les demandes des joueurs étaient surtout centrées sur le récit, les graphismes et les combats, avec de rares mentions du monde ouvert.
Pour justifier le besoin de faire des choix forts, Yoshida prend pour exemple Final Fantasy VII. S’il considère le jeu d’origine sur PlayStation comme le meilleur RPG « autosuffisant » de l’histoire, il souligne que son contenu ne pourrait pas être recréé à l’identique aujourd’hui avec un habillage moderne, sauf à passer dix à quinze ans à le développer – d’où le choix, d’ailleurs, d’un remake en plusieurs parties. Or, si cela fonctionne bien pour FFVII qui possède une base solide, il ajoute qu’il lui semblerait impensable de livrer le prochain épisode numéroté en plusieurs parties. Dans ce cas, l’équipe de développement doit absolument se défaire des sources de difficulté qui risqueraient de l’empêcher de sortir le jeu rapidement. C’est un moyen élégant de prévenir les joueurs qu’ils ne doivent plus attendre le contenu prolifique des épisodes sortis il y a une vingtaine d’années, mais les qualités de FFXVI ne seront manifestement pas là.
FFXVI n’est pas FFXIV
Inévitablement, Naoki Yoshida a été interrogé sur les liens entre Final Fantasy XVI et XIV, les deux jeux dont il est le producteur. Pour lui, la différence la plus évidente est que l’un est un MMORPG qui doit proposer une expérience de longue durée afin de conserver ses joueurs sur plusieurs années, tandis que l’autre sera un épisode unique, lancé en une fois et qui ne devrait pas connaître d’ajouts ultérieurs – en tout cas, il n’en est pour l’instant pas du tout question. Le nouveau jeu proposera donc une aventure nettement plus condensée, mais aussi beaucoup plus intense, comme les bandes-annonces l’ont déjà démontré. Néanmoins, Yoshida affirme que l’expérience de communication directe avec les joueurs de FFXIV a certainement été utile lors de la préparation de FFXVI.
De même, les concepts fondamentaux des deux jeux sont très différents. Comme Yoshida se plaît à le répéter, FFXIV est imaginé depuis sa refonte comme un « parc d’attractions » de Final Fantasy, dans lequel il est possible de retrouver de nombreux éléments venus des autres épisodes de la série. FFXVI, quant à lui, est un authentique nouvel épisode, et le producteur ne cache d’ailleurs pas son envie de créer quelque chose qui n’a jamais été vu jusque-là dans la série. Résultat : si le jeu comptera certainement de petits clins d’œil à ses prédécesseurs, il faut absolument pas s’attendre à des reprises aussi fréquentes que dans FFXIV.
Certes, il convient aussi de relever que les têtes pensantes de FFXVI sont celles qui ont dirigé la conception de FFXIV entre 2011 et 2015, c’est-à-dire pour la refonte 2.0 (A Realm Reborn) et l’extension Heavensward. Le scénario, en particulier, est l’œuvre de Kazutoyo Maehiro, qui a d’ailleurs reçu les conseils du directeur de la localisation Michael Christopher Koji Fox pour finaliser certains éléments. Cela permet à Yoshida de glisser, dans son entretien avec Famitsu : « Je pense que ça va parler à celles et ceux qui ont aimé FFXIV [A Realm Reborn] et Heavensward. »
Sources
https://www.famitsu.com/news/202206/22265843.html
https://dengekionline.com/articles/137641/
https://game.watch.impress.co.jp/docs/interview/1416413.html
https://www.4gamer.net/games/529/G052958/20220610145/
https://www.square-enix-games.com/en_US/news/final-fantasy-xvi-interview
https://www.gameinformer.com/preview/2022/06/21/an-interview-with-naoki-yoshida-on-eikons-boss-fights-and-when-well-see-more
https://www.gamespot.com/articles/final-fantasy-16-is-an-ambitious-more-mature-entry-in-the-series-says-producer/1100-6504803/
https://www.gamesradar.com/final-fantasy-16-naoki-yoshida-interview/
https://www.ign.com/articles/final-fantasy-16-everything-we-learned
https://blog.playstation.com/2022/06/21/interview-naoki-yoshida-sheds-new-light-on-final-fantasy-xvi/