Kingsglaive: Final Fantasy XV était clairement l’une des nouvelles les plus réjouissantes d’Uncovered, au début de l’année. Un nouveau film en images de synthèse inspiré de la série est forcément toujours un événement, d’autant plus quand il sort de nulle part et arrive seulement quelques mois plus tard ; c’est rafraîchissant, à côté du Final Fantasy XV dont il sert de luxueux prologue. Il est disponible en Blu-ray et DVD depuis le 30 septembre.
L’un des plus grands mystères de Kingsglaive était de savoir à quel point il fonctionnerait en tant qu’œuvre indépendante de Final Fantasy XV, même s’il était évident que les deux seraient indissociables. Finalement, s’il met plutôt bien en place les enjeux de FFXV, il se contente le plus souvent de les poser mais sans encore les résoudre ; un sujet évident de frustration, mais qui rend d’autant plus impatient pour le jeu. Pour autant, le film est en tout cas bien plus indépendant de son jeu que ne l’était Final Fantasy VII Advent Children, et les critiques disant qu’il ne s’agit que d’une « longue cinématique » sont parfaitement malhonnêtes. Véritable long métrage, Kingsglaive est simplement un peu trop convenu dans son déroulement, malgré son rythme soutenu qui fait qu’on ne s’ennuie pas. Le réalisateur Takeshi Nozue ne s’en est pas caché : il est allé prendre conseil à Hollywood pour l’écriture de son script, ce qui donne forcément lieu à de l’efficacité sans originalité.
L’influence hollywoodienne a eu exactement le même effet sur la bande originale : la partition de John Graham est fonctionnelle mais souvent insipide, faite de ce mélange devenu monnaie courante d’orchestrations plates étouffées par des cuivres grossiers, et de percussions tapageuses. Les seuls moments de grâce sont à attribuer aux trop rares contributions de Yôko Shimomura, dont la magnifique introduction et l’éblouissant thème de Luna, ce dernier semble-t-il repris tel quel de FFXV.
Avant la sortie du film, on pouvait également craindre que cette hollywoodianisation malheureuse affecte également les visuels, tant ils semblaient se démarquer de la touche réaliste mais clairement japonaise de FFXV. Mais Kingsglaive arbore un univers visuel d’une richesse et d’une beauté époustouflantes, que même les petits bouts de placement de produits ne peuvent pas égratigner. Insomnia, où se déroule la plus grande partie du film, est une métropole contemporaine aussi familière que spectaculaire, qui rappelle tous les fantasmes de l’époque de Versus XIII. L’équipe s’est d’ailleurs autorisé une poignée de clins d’œil visuels à celui-ci, et on soupire à l’idée que la dose de fan service du film se base sur un projet qui n’a jamais existé finalement…
L’aspect graphique de Kingsglaive est particulièrement notable car, contrairement à ce qu’on pouvait imaginer, il ne prétend pas être une œuvre photoréaliste jusqu’au-boutiste. Depuis Les Créatures de l’esprit, Square Enix semble se tenir le plus à distance possible de la fameuse uncanny valley. Ainsi ce nouveau film expose en fait une forme d’hyperréalisme stylisé, lisse et extrêmement esthétique. Une approche qui autorise bien sûr toutes les extravagances, mais pour autant, Takeshi Nozue ne s’est pas fait autant plaisir que dans Advent Children. Grâce à une gravité normale, Kingsglaive est bien moins virevoltant et surhumain ; pour leurs plus beaux faits d’armes, les héros peuvent simplement compter sur l’outil bien pratique des sauts éclipse, emprunté directement à FFXV. Le film s’autorise tout de même des scènes de combat à grand spectacle, qui finissent forcément par conduire toute l’intrigue dans sa seconde moitié, et Nozue a retrouvé son amour pour l’action belle et confuse dans la toute dernière bataille, impressionnante il est certain.
C’est sûr, il se passe plein de choses dans Kingsglaive, et bien qu’il soit tout de même long de deux heures, c’est un film pressé, qui a beaucoup à raconter du fait du riche univers sur lequel il se base, mais qui n’a pas le temps de tout développer comme il le faudrait, et repose parfois sur une chronologie douteuse. Il était ainsi difficile d’y couper : comme dans Advent Children, le film commence par une longue narration, ici de Luna (Lena Headey), censée poser les bases de l’intrigue. Un procédé commode, mais facile, qui ne peut pas être évité quand on a un sujet si dense à exposer pendant si peu de temps, et qui a pour conséquence de rendre le conflit entre Lucis et Niflheim bien simpliste. Les plans montrant des coupures de journaux évoquant les précédents événements de la guerre indiquent que cet historique existe pourtant bien, laissent espérer qu’il sera mieux exposé dans le jeu.
Quelques-uns des personnages sont victimes de cet empressement, tout particulièrement Ravus et Ardyn. Bien sûr, c’est dans FFXV que ces deux antagonistes seront réellement mis à l’honneur, mais il est intéressant de constater à quel point le premier semble d’ores et déjà bien prévisible, là où le second demeure insondable, ce qui est prometteur pour sa représentation dans le jeu. S’ils restent en retrait, c’est surtout parce que les héros de Kingsglaive sont les membres de l’unité éponyme, et que le film aborde en réalité un sujet inattendu : celui des immigrés qu’ils sont, de leur place dans un État craignant l’extérieur, et de leur possible manipulation. Une bonne idée qui aurait mérité une exposition plus longue, au lieu de beaux discours symboliques, pour être parfaitement crédible. Reste Nyx, le héros du film, qui profite de sa longue présence pour exposer un peu mieux son passif et ses motivations. C’est un bon bougre, et une belle gueule d’ailleurs, servi par une prestation réussie d’Aaron Paul en VO.
Kingsglaive: Final Fantasy XV est un film divertissant et très prenant, qui doit beaucoup à la prouesse remarquable de ses visuels et au superbe univers dans lequel il se déroule, mais qui laisse rapidement sur sa faim. S’il est vrai qu’il compte sa propre ligne directrice, avec l’histoire de l’unité Kingsglaive, il ouvre également plusieurs fils d’intrigue qui ne sont pas résolus, et laissent le champ libre à Final Fantasy XV.
Méritait-il alors vraiment d’exister en tant que tel ? Sans doute oui : du fait de son ambiance tendue et dramatique, il raconte des événements qui auraient été difficiles à relater dans le jeu sans en ébranler l’esprit road trip initial. Quel étrange statut alors que celui d’un film entre deux eaux, réussi c’est certain, mais « à condition que ».