2013 aurait dû être une année positive pour Final Fantasy. Pourtant, alors qu’elle est sur le point de s’achever, j’ai plus que jamais le sentiment de baigner dans un océan de négativité. Ce dernier éditorial de l’année est mon constat personnel sur la situation.
Il y a bien une tendance contre laquelle toute résistance semble désormais inutile : les jeux pour appareils tactiles, dont la multiplication paraît pour le moment tenir davantage de la facilité que de l’originalité. Un portage de FFIV: The After Years sorti de nulle part et dont on cherche encore l’intérêt, un Pictlogica surfant sur la vague de Puzzle & Dragons, un Final Fantasy Tactics S dont le S est synonyme de jeu social réservé au Japon, FFV et VI dans des versions smartphones dont l’apparence lissée peut faire grincer des dents, un Final Fantasy Agito semblant abêtir Type-0… Et, bien sûr, cet All The Bravest proprement honteux.
Simplement, il ne faut jamais oublier de remettre ces jeux à leur place. S’ils sont les témoins de la gourmandise évidente de leur éditeur, ce ne sont que des titres parallèles, conçus pour occuper le terrain des fans qui s’impatientent entre deux grandes sorties. L’impression qu’ils monopolisent l’actualité vient du fait qu’ils sont forcément plus modestes et faciles à développer que les gros projets sur console. Personnellement, comme ils me semblent parfaitement facultatifs, je me contente de les ignorer. C’est le jour où il n’y aura absolument plus que cela qu’il faudra s’inquiéter. Ce n’était pas encore le cas en 2013.
Rappelez-vous. Après un long silence, Final Fantasy X HD s’est enfin montré ; il a même été rejoint par leX-2 et sortira chez nous dans quelques semaines. Lightning Returns est venu marquer la conclusion de la saga FFXIII, au Japon au moins, avec de belles idées d’univers et de gameplay malheureusement occultées par un marketing racoleur (le jeu est bien plus réussi que cela). Après l’échec de sa première version, Final Fantasy XIV a fait un retour triomphal avec A Realm Reborn, qui a dépassé le million d’exemplaires vendus et connaît un succès grandissant. Il sera en avril prochain le premier FF sur PlayStation 4. Et l’insaisissable Final Fantasy Versus XIII s’est rematérialisé sous les traits d’un Final Fantasy XV de nouvelle génération, lointain certes, mais plus excitant que jamais. On a même eu des nouvelles encourageantes de Type-0. Tout cela est positif.
Que s’est-il passé alors pour qu’il n’en sorte que de la négativité ? L’E3 de juin dernier a été un moment de grâce pour Final Fantasy, mais il s’est vite estompé car la beauté des vidéos a été rattrapée par des annonces qui ne faisaient plus vraiment rêver… La communication de Square Enix s’est égarée quelque part, tout particulièrement dans le cas de Lightning Returns. Ayant terminé ce dernier récemment, j’ai pu confirmer mes craintes : le jeu que le marketing a tenté de nous vendre n’est pas celui auquel j’ai joué. Cette avalanche de costumes est un élément purement accessoire et, si l’on peut se perdre dans leurs options de personnalisation, on peut également les ignorer totalement et profiter du reste de l’aventure, qui est beaucoup moins frivole. Que ce soit dans le cas du fan service aguicheur de Lightning Returns ou de celui, nostalgique, de FFXIV 2.0, le résultat est le même : les jeux ont beaucoup plus à offrir que ces épanchements faciles. Difficile simplement de le démontrer quand l’éditeur lui-même y peine autant.
Néanmoins, le marketing défaillant ne peut pas être responsable de tout, surtout quand près de chez nous, Square Enix France a organisé de très beaux événements. En fait, à l’époque des réseaux sociaux où le fan est roi, le moindre petit déplaisir se transforme rapidement en drame innommable. Des réactions ingrates, violentes, odieuses parfois, sans aucun recul. A chaque nouvelle annonce, on peut lire sur Facebook et Twitter pléthore de caprices et d’exagérations réductrices formulées sous le coup d’une colère immédiate. J’avais déjà consacré mon premier éditorial de 2013 à ce sujet, sans penser que cela deviendrait le leitmotiv de l’année entière. J’aime bien les réseaux sociaux car ils permettent d’échanger entre fans, mais j’en ai également une sainte horreur tant leur format encourage l’exacerbation des sentiments, et ce dans les deux directions : autant pour les célébrations de masse disproportionnées que pour le mauvais esprit gratuit.
Cet air brassé pour pas grand-chose, cette confluence de mauvaise foi qui bannit la discussion autour de certains sujets et ce mépris automatique sont sans doute le produit du prisme déformant d’Internet 2.0. Je ne pense pas qu’ils traduisent l’air du temps. Il y a sans doute bien plus de gens raisonnables qu’on ne semble le voir. Cette année me l’a encore prouvé quand j’ai publié mon éditorial sur l’héritage pesant de FFVII, en réaction aux commentaires qui réclament aveuglément un remake du jeu. Je craignais le pire en m’attaquant à ce mythe, mais j’ai été surpris par l’enthousiasme et le bon esprit des réactions que j’ai reçues par e-mail. Quand il n’y a pas de commentaires ou de réseau social pour inviter le tout-venant à cracher son avis, il en ressort bien plus de recul et de courtoisie. Car en définitive, on peut adorer un Final Fantasy sans passer pour un naïf hystérique, ou le détester sans pour autant envoyer la série entière à la morgue.
On pourrait penser que les médias de jeu vidéo, les sites généralistes notamment, tenteraient de s’élever au-dessus de ce chahut, mais rares sont ceux qui parviennent à présenter des informations sans sous-entendu scandaleux. J’ai pu le constater récemment avec le départ d’Akihiko Yoshida, tellement interprété à la manière d’un drame qu’on croyait parfois lire des nécrologies. Lorsque j’ai pris la peine d’écrire deux news supplémentaires pour expliquer qu’il n’était pas en froid avec Square Enix et qu’il était toujours associé au développement de FFXIV et Bravely Default, regardez comment Gameblog l’a rapporté. Le rédacteur, après m’avoir donné une leçon sur les sources, a même inventé une citation présente ni dans ma news, ni dans les propos de Yoshida dans Famitsu. Mais il a trouvé une petite formulation qui a l’air authentique et qui en plus dramatise la situation : le rêve ! Imaginez Akihiko Yoshida errer sans but dans les couloirs sombres de Square Enix…
Difficile de compter sur ce genre d’énergumène assoiffé de sensationnalisme pour rapporter les informations les plus intéressantes ou positives. D’où la surmédiatisation des malheureux détails sur les mensurations de Lightning ou les errements de sa garde-robe. D’où la négativité générale, concentrée sur ces accessoires de mauvais fan service avec lesquels Square Enix espérait sans doute attirer l’attention. Cela a suffi à certains sites pour déclarer la mort de Final Fantasy, même si je dois bien avouer qu’après treize années à suivre l’actualité de la série, on s’habitue à ces déclarations à l’emporte-pièce. Et je ne veux pas faire preuve d’angélisme : j’ai déjà consacré plusieurs éditoriaux à des dérives qui m’inquiètent. Sans accroche tonitruante, simplement, d’où sans doute leur attrait limité. Sans voir le mal partout. Sans généraliser.
En fin de compte, ce que je retiendrai de 2013, c’est le plaisir que m’ont apporté les jeux. Les vrais jeux, ceux que les développeurs ont imaginé. Que ce soit découvrir et partager de nouvelles informations, ou me lancer finalement dans leurs aventures, cela m’a donné une forme de satisfaction qui a pu faire taire, au moins pendant un temps, l’inlassable brouhaha d’Internet. On se lasse bien vite des lamentations systématiques, et moi, j’ai assez entendu ce disque rayé.