Éditorial : la communication bancale

Je ne prétends pas expliquer leur métier aux directeurs marketing, mais cela ne m’empêche pas d’avoir le sentiment que parfois, ils s’égarent. Ou alors, qu’ils ont l’air un peu désespérés, et que cela finit par se voir. Laissez-moi vous expliquer pourquoi.

Il y a un an, mon premier éditorial se réjouissait de la présentation surprenante de Lightning Returns: Final Fantasy XIII, beaucoup plus conceptuelle qu’à l’habitude. Aujourd’hui, je suis bien obligé de constater que Square Enix se trouve dans l’incapacité la plus totale de présenter son jeu correctement. J’ai l’impression qu’eux-mêmes ne croient pas du tout en lui, et qu’ils jouent la carte du désespoir pour tenter d’attirer l’attention, peu importe que ce soit en bien ou en mal. Le résultat est sans appel : pour le joueur normal, plus ou moins extérieur à Final Fantasy, Lightning Returns doit sans doute ressembler avant tout à une simulation de déguisement de Lightning à gros seins en personnages d’anciens FF, de préférence provenant de ce poison de FFVII.

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C’est bête. C’est d’autant plus bête que Lightning Returns a un réel potentiel et qu’il suffit de s’y intéresser au-delà des effets d’annonce pour s’en rendre compte. Lightning en costume de Cloud ou Aerith pour divertir les nostalgiques, ça ne devrait être qu’un petit plus. Mais alors que le titre sort dans moins de deux mois au Japon, son véritable cœur nous échappe encore. C’est un constat plutôt étrange, car les développeurs ont beaucoup parlé de leur jeu dans des interviews avec la presse (japonaise notamment), ce que j’ai bien sûr pris soin de relayer à chaque fois : de l’après révélation jusqu’aux petits détails de la gamescom, en passant par la théorie du système de jeu, des combats, du début de l’histoire, de Luxerion et Yusnaan… Sur FFWorld, j’ai fait en sorte que vous puissiez suivre l’actualité du jeu par les explications détaillées de ses créateurs plutôt que par les simagrées consternantes de son marketing japonais.

Il y a juste un problème. Expliquer des concepts dans de longues interviews, c’est bien, mais c’est partir du principe que les internautes les liront. Et vous savez sans doute aussi bien que moi que ces derniers, surtout sur un sujet qui de base ne les passionne pas, ne lisent pas ce qui est trop long. Ils préfèrent sans doute attendre que l’un ou l’autre site tapageur résume les dernières nouvelles sous un biais déformé. Mais même pour le fan attentionné qui lit chaque déclaration des créateurs, il y a une limite à l’abstraction. Ne jamais illustrer ses propos avec des vidéos de gameplay, c’est beaucoup trop théorique pour les joueurs, qui ont besoin de savoir ce qui les attend concrètement avant de se décider à acheter. En fin de compte, on ignore presque totalement le déroulement d’une session de Lightning Returns. La démo de l’E3 ne montrait que le prologue à Yusnaan, séquence encore très cloisonnée. Quant aux démos de Japan Expo ou de la gamescom, ce n’étaient finalement que les bouts de quêtes basiques, sans réel aperçu de la taille du monde ou du principe d’écoulement du temps.

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L’autre problème, c’est que Square Enix tente désespérément de se convaincre qu’ils ont une chance de séduire les fans de Final Fantasy en général, chose répétée plusieurs fois par Yoshinori Kitase lui-même en interview, là où ce jeu ne s’adresse clairement qu’à ceux de FFXIII et Lightning. Forts de cette idée vaine, ils confient à la pauvre héroïne des costumes d’autres FF, qui ne lui ressemblent pas. Cela ne me dérangerait pas s’ils ne les considéraient que comme des bonus sans prétention. Mais chaque nouvel hommage a le droit à une jolie vidéo d’introduction (si ce n’est deux !), souvent d’ailleurs le point central de présentations à la presse ou en public, et tout cela vite relayé par les filiales du reste du monde. A côté de cela, la superbe visite touristique de Nova Chrysalia n’a surgi que sur le site Internet japonais, sans aucun relais occidental pour le moment. J’ai pourtant vu plus d’un sceptique admettre un rebond soudain d’intérêt pour le jeu, à la vue de ce tour du monde bien sympathique. Quand on pense que les Terres sauvages ont été montrées pour la première fois dans des images de costumes en DLC

La faute n’est pas seulement du côté du marketing. Si Square Enix met tellement en avant ces clins d’œil grossiers, c’est aussi parce qu’ils doivent sentir que certains fans y sont réceptifs, et le réclament même. D’où ce programme « Final Fantasy Go There » qui cherche à rapprocher les épisodes récents par des collisions maladroites au lieu d’affirmer plus encore les particularités et le caractère unique de chacun d’eux. La nostalgie est une petite machine qui marche bien, c’est vrai, et découvrir une référence que l’on connaît bien est toujours sympathique. Mais récemment, tout cela est malheureusement devenu un peu trop criard pour moi. Si bien que je ne me précipite plus pour relayer les dernières annonces sur cette pauvre Lightning qui se fait déguiser en tout et n’importe quoi, ou catapulter dans un monde auquel elle n’appartient pas.

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Malgré tout cela, et pour l’avoir essayé, j’ai confiance en Lightning Returns. Au-delà de tout élément superficiel, je vois dans son univers et son système de jeu l’envie chez les créateurs de tester des idées plus originales. Et cela, avec un goût du risque certainement plus facile à assumer que dans un épisode numéroté principal. Quitte à conclure cette trilogie avec un titre plus sobre, dont le timing de sortie s’accommode tant bien que mal des nouvelles consoles, l’équipe de Motomu Toriyama a exploré de nouvelles voies qui lui serviront sans doute pour de prochains projets.
Je me demande même s’il n’existe pas une place pour ce type de jeu plus modeste, quand on le compare à ce Final Fantasy XV démesuré que l’on ne touchera pas avant bien longtemps. Une petite production sur console de salon, armée d’un game design bien pensé, aux graphismes certes moins prolifiques mais tout de même soignés et accompagnant une direction artistique bien menée. Le tout, bien sûr, avec des musiques divines. Un concept suffisamment efficace pour voir un nouvel épisode tous les deux ans. Entre ça et une invasion toujours plus persistante des titres sur téléphones portables et tablettes, mon choix est vite fait. Il ne faudrait pas non plus que Final Fantasy abandonne trop souvent le confort de nos fidèles consoles.

Lightning Returns: Final Fantasy XIII arrive en Europe le 14 février prochain, alors espérons maintenant que Square Enix va profiter des mois qu’il reste pour mettre bien plus en avant le fond du jeu. Le Tokyo Game Show a donné quelques signes positifs